Traduit il y a bien longtemps et tout juste retrouvé... C'est malheureusement d'actualité.
Les Païens rejettent l'idée du Mal -- Comment répondre au terrorisme ?
Juillet 2005
(c) Starhawk, sur belief.net
Traduction Iridesce.
Après les attentats terroristes sur un bus et plusieurs stations de métro à Londres, tuant plus de 50 personnes, le premier ministre britannique Tony Blair a déclaré qu'il fallait éradiquer "l'idéologie du mal" représentée par ces explosions.
Le mal est un concept que les Païens essayent d'éviter. Notre théologie, ou plutôt, théalogie, nous enseigne que le sombre et le clair, la vie et la mort, la création et la destruction existent en équilibre, et que sectionner ou condamner un de ces aspects nous mène droit au déséquilibre, qui nous mène droit à son tour vers la cruauté et l'horreur. Nous pourrions dire que la phrase simpliste "Ils sont mauvais ; nous sommes bons" nous amène à son corollaire : "Nous avons une justification pour les détruire en usant de tous les moyens à disposition". Ce qui est l'idéologie même qui motive les poseurs de bombes, un mode de pensée qui a conduit aux pires atrocités durant l'histoire de l'humanité.
Mais si nous rejetons le concept de "mal", comment répondre à ces actes horribles ? Y'a-t'il une réponse spécifiquement païenne à une telle violence ? Il n'y a pas d'autorité centrale du Paganisme, pas de bulles d'un Saint Père païen pour nous donner des directives à suivre, pas d'autorité rabbinique pour nous dire qui a et qui n'a pas le droit d'interpréter tout cela pour nous. Nous n'avons pas de saintes écritures à interpréter non plus. En tant que païens, nous sommes notre seule autorité spirituelle individuelle, chacun avec notre propre connexion à la Déesse.
Forte de cette autorité-là, j'offre une réponse païenne à ces attentats. Nous n'avons pas de Bible ni de liste de commandements numérotés, mais nous avons la nature en tant qu'enseignante, et un ensemble de principes éthiques qui mettent en valeur la vie, l'équilibre, et l'interconnexion. Nous ressentons une horreur immédiate, intuitive, face au fait de prendre des vies, face au caractère arbitraire de ces morts. Mourir parce que j'ai choisi de m'enrôler parmi les militaires, ou en prenant un risque particulier, ou même parce que je me suis fait un ennemi en particulier, possède au moins un semblant de cause et de conséquence.
Mourir parce que je me suis arrêtée pour acheter le journal ou parce que je suis montée dans le mauvais train semble viscéralement injuste et dénué de sens.
Pourtant les attaques terroristes ne sont pas dénuées de sens, ce n'est pas de la "violence aveugle". Elles font partie d'une stratégie bien pensée, et souvent suivie par ceux qui n'ont pas l'avantage du nombre ou des armes pour mettre en place un assaut militaire direct. Elles ne sont pas l'apanage d'un seul peuple ou d'une seule religion, ici en l'occurrence les Arabes ou les Musulmans, même si certaines formes de racisme diront le contraire. Des tactiques similaires ont été utilisées par les Irlandais durant leurs luttes pour l'indépendance, par les Basques, pas les mouvements indépendentistes israëliens qui ont fait sauter l'hôtel du Roi David à Jérusalem dans les années 1940, et par bien d'autres groupes à travers l'Histoire.
Si une force combattante ne peut pas tirer ouvertement sur l'armée britannique ou sur les militaires des USA, elle peut toujours frapper la population civile, et blesser l'ennemi de cette manière-là.
Nous rejetons et condamnons légitimement ces tactiques. La mort est en effet une partie de la vie, mais l'infliger de force aux autres brise le tissu de l'interconnexion, agresse le sacré incarné en chacun de nous.
Mais lorsque nous condamnons la volonté de tuer autrui dans le but d'arriver à ses propres objectifs, il nous faut aussi reconnaître que cette volonté est très répandue. Quelle "idéologie du mal" a motivé Tony Blair à se joindre aux USA dans une guerre en Irak qui a tué des dizaines et peut-être des centaines de milliers de civils, uniquement coupables d'être nés dans le mauvais pays à la mauvaise époque ? Je lui saurais gré de m'expliquer pourquoi, s'il est mauvais de tuer des civils dans un bus ou dans les lignes de métro de Londres, il est totalement acceptable d'en tuer en bombardant des villes ? Pourquoi des actes seraient-ils "mauvais" lorsqu'ils sont commis par un petit groupe d'extrémistes, et "bons, d'une haute valeur morale" lorsque c'est l'armée et les gouvernements qui les commettent ? La volonté de sacrifier les autres pour son propre bien ne se limite pas à la guerre ; cela fait aussi partie du contexte de violence endémique cousu dans notre système politique et économique actuel. Six millions d'enfants meurent chaque année des directives qu'impose le Fonds Monétaire International aux pays du Tiers Monde, et qui résultent en un manque d'accès aux soins médicaux ou à l'eau potable. Dans mon voisinage, des jeunes hommes se tuent dans des guerres de gangs et de trafiquants de drogue, nées du désespoir. L'intégrité même du climat terrestre et la perpétuation des systèmes permettant la vie sont en danger, et les efforts faits pour attirer l'attention sur ces problèmes sont délibérément sabotés par quelques uns qui défendent leurs propres intérêts économiques.
Et pendant que ces tueries constantes ont lieu, on nous distrait et on nous insensibilise. Allumez la télévision n'importe quel soir de la semaine, et constatez à quel point nos imaginaires sont colonisés par la violence. Des émissions mettant en scène criminels et voleurs, policiers, scènes de batailles, défilent sans fin sur l'écran, remplissant notre vision intérieure d'images de massacres, de corps démembrés et de sang, comme si nous pouvions uniquement être divertis par de la souffrance infligée avec le plus grand sadisme, et par des drames répétés à l'envi dans lesquels "quelqu'un d'autre meurt, et moi je survis".
Nous devrions être choqués et horrifié par les attentats. Nos coeurs vont vers les victimes et leurs proches avec chagrin et compassion.
Mais nous devrions aussi être choqués et horrifiés par le plus large contexte de violence dans lequel ils prennent place. Qu'est-ce qui se passerait, comment le monde changerait-il, si nos coeurs allaient avec compassion vers les enfants d'Irak, d'Afrique, des favelas du Brésil, de la vieille ville de Los Angeles ? Si nous étions aussi prompts à condamner ceux qui perpétuent des violences économiques que nous le sommes à condamner les poseurs de bombes ? Si nous étions tout aussi horrifiés par les compagnies pétrolières qui cherchent à supprimer les voix des activistes écologiques que par les tueurs fous dotés d'armes à feu ?
Une réponse païenne à la violence pourrait être de dire qu'il y a bien assez de mort et de drame inhérents dans la nature même, dans le cours de la vie et dans les changements de saisons, dans la course du cougar qui poursuit le chevreuil. N'en rajoutons pas. En tant qu'être humains, nous sommes sur terre avec la capacité de développer des choses qui ne sont pas à la portée du cougar : compassion, gratitude, appréciation consciente de la beauté et du mystère de la vie, émerveillement. Arrêtons de nous tuer les uns les autres, et continuons à explorer ces choses-là.
Je voudrais vivre dans un monde dans lequel je peux prendre le bus sans craindre qu'il explose, à Londres, New York ou Tel Aviv. Je voudrais vivre dans un monde dans lequel un enfant de n'importe quel pays peut aller au lit sans s'inquiéter d'être potentiellement tué par des bombes, de voir sa maison rasée par des bulldozers et des tanks au matin, ou que sa famille n'ait plus rien à manger le lendemain.
Nous sommes tous interconnectés. Peut-être que cette simple vérité païenne peut nous conduire à rejeter le meurtre de la liste des moyens par lesquels on peut résoudre les conflits inter-personnels. Que ces meurtres soient commis par des groupes d'opposition ou par l'état lui-même, ou par l'injustice et la rudesse d'un système économique. Nous faisons tous partie du cercle de la vie. Cette compréhension doit nous conduire à créer un monde dans lequel le tissu de la vie est chéri, estimé, tant à titre individuel que global, et où la violence est transformée par l'amour.
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Publié pour la première fois sur internet sur belief.net, Juillet 2005.
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Les Païens rejettent l'idée du Mal -- Comment répondre au terrorisme ?
Juillet 2005
(c) Starhawk, sur belief.net
Traduction Iridesce.
Après les attentats terroristes sur un bus et plusieurs stations de métro à Londres, tuant plus de 50 personnes, le premier ministre britannique Tony Blair a déclaré qu'il fallait éradiquer "l'idéologie du mal" représentée par ces explosions.
Le mal est un concept que les Païens essayent d'éviter. Notre théologie, ou plutôt, théalogie, nous enseigne que le sombre et le clair, la vie et la mort, la création et la destruction existent en équilibre, et que sectionner ou condamner un de ces aspects nous mène droit au déséquilibre, qui nous mène droit à son tour vers la cruauté et l'horreur. Nous pourrions dire que la phrase simpliste "Ils sont mauvais ; nous sommes bons" nous amène à son corollaire : "Nous avons une justification pour les détruire en usant de tous les moyens à disposition". Ce qui est l'idéologie même qui motive les poseurs de bombes, un mode de pensée qui a conduit aux pires atrocités durant l'histoire de l'humanité.
Mais si nous rejetons le concept de "mal", comment répondre à ces actes horribles ? Y'a-t'il une réponse spécifiquement païenne à une telle violence ? Il n'y a pas d'autorité centrale du Paganisme, pas de bulles d'un Saint Père païen pour nous donner des directives à suivre, pas d'autorité rabbinique pour nous dire qui a et qui n'a pas le droit d'interpréter tout cela pour nous. Nous n'avons pas de saintes écritures à interpréter non plus. En tant que païens, nous sommes notre seule autorité spirituelle individuelle, chacun avec notre propre connexion à la Déesse.
Forte de cette autorité-là, j'offre une réponse païenne à ces attentats. Nous n'avons pas de Bible ni de liste de commandements numérotés, mais nous avons la nature en tant qu'enseignante, et un ensemble de principes éthiques qui mettent en valeur la vie, l'équilibre, et l'interconnexion. Nous ressentons une horreur immédiate, intuitive, face au fait de prendre des vies, face au caractère arbitraire de ces morts. Mourir parce que j'ai choisi de m'enrôler parmi les militaires, ou en prenant un risque particulier, ou même parce que je me suis fait un ennemi en particulier, possède au moins un semblant de cause et de conséquence.
Mourir parce que je me suis arrêtée pour acheter le journal ou parce que je suis montée dans le mauvais train semble viscéralement injuste et dénué de sens.
Pourtant les attaques terroristes ne sont pas dénuées de sens, ce n'est pas de la "violence aveugle". Elles font partie d'une stratégie bien pensée, et souvent suivie par ceux qui n'ont pas l'avantage du nombre ou des armes pour mettre en place un assaut militaire direct. Elles ne sont pas l'apanage d'un seul peuple ou d'une seule religion, ici en l'occurrence les Arabes ou les Musulmans, même si certaines formes de racisme diront le contraire. Des tactiques similaires ont été utilisées par les Irlandais durant leurs luttes pour l'indépendance, par les Basques, pas les mouvements indépendentistes israëliens qui ont fait sauter l'hôtel du Roi David à Jérusalem dans les années 1940, et par bien d'autres groupes à travers l'Histoire.
Si une force combattante ne peut pas tirer ouvertement sur l'armée britannique ou sur les militaires des USA, elle peut toujours frapper la population civile, et blesser l'ennemi de cette manière-là.
Nous rejetons et condamnons légitimement ces tactiques. La mort est en effet une partie de la vie, mais l'infliger de force aux autres brise le tissu de l'interconnexion, agresse le sacré incarné en chacun de nous.
Mais lorsque nous condamnons la volonté de tuer autrui dans le but d'arriver à ses propres objectifs, il nous faut aussi reconnaître que cette volonté est très répandue. Quelle "idéologie du mal" a motivé Tony Blair à se joindre aux USA dans une guerre en Irak qui a tué des dizaines et peut-être des centaines de milliers de civils, uniquement coupables d'être nés dans le mauvais pays à la mauvaise époque ? Je lui saurais gré de m'expliquer pourquoi, s'il est mauvais de tuer des civils dans un bus ou dans les lignes de métro de Londres, il est totalement acceptable d'en tuer en bombardant des villes ? Pourquoi des actes seraient-ils "mauvais" lorsqu'ils sont commis par un petit groupe d'extrémistes, et "bons, d'une haute valeur morale" lorsque c'est l'armée et les gouvernements qui les commettent ? La volonté de sacrifier les autres pour son propre bien ne se limite pas à la guerre ; cela fait aussi partie du contexte de violence endémique cousu dans notre système politique et économique actuel. Six millions d'enfants meurent chaque année des directives qu'impose le Fonds Monétaire International aux pays du Tiers Monde, et qui résultent en un manque d'accès aux soins médicaux ou à l'eau potable. Dans mon voisinage, des jeunes hommes se tuent dans des guerres de gangs et de trafiquants de drogue, nées du désespoir. L'intégrité même du climat terrestre et la perpétuation des systèmes permettant la vie sont en danger, et les efforts faits pour attirer l'attention sur ces problèmes sont délibérément sabotés par quelques uns qui défendent leurs propres intérêts économiques.
Et pendant que ces tueries constantes ont lieu, on nous distrait et on nous insensibilise. Allumez la télévision n'importe quel soir de la semaine, et constatez à quel point nos imaginaires sont colonisés par la violence. Des émissions mettant en scène criminels et voleurs, policiers, scènes de batailles, défilent sans fin sur l'écran, remplissant notre vision intérieure d'images de massacres, de corps démembrés et de sang, comme si nous pouvions uniquement être divertis par de la souffrance infligée avec le plus grand sadisme, et par des drames répétés à l'envi dans lesquels "quelqu'un d'autre meurt, et moi je survis".
Nous devrions être choqués et horrifié par les attentats. Nos coeurs vont vers les victimes et leurs proches avec chagrin et compassion.
Mais nous devrions aussi être choqués et horrifiés par le plus large contexte de violence dans lequel ils prennent place. Qu'est-ce qui se passerait, comment le monde changerait-il, si nos coeurs allaient avec compassion vers les enfants d'Irak, d'Afrique, des favelas du Brésil, de la vieille ville de Los Angeles ? Si nous étions aussi prompts à condamner ceux qui perpétuent des violences économiques que nous le sommes à condamner les poseurs de bombes ? Si nous étions tout aussi horrifiés par les compagnies pétrolières qui cherchent à supprimer les voix des activistes écologiques que par les tueurs fous dotés d'armes à feu ?
Une réponse païenne à la violence pourrait être de dire qu'il y a bien assez de mort et de drame inhérents dans la nature même, dans le cours de la vie et dans les changements de saisons, dans la course du cougar qui poursuit le chevreuil. N'en rajoutons pas. En tant qu'être humains, nous sommes sur terre avec la capacité de développer des choses qui ne sont pas à la portée du cougar : compassion, gratitude, appréciation consciente de la beauté et du mystère de la vie, émerveillement. Arrêtons de nous tuer les uns les autres, et continuons à explorer ces choses-là.
Je voudrais vivre dans un monde dans lequel je peux prendre le bus sans craindre qu'il explose, à Londres, New York ou Tel Aviv. Je voudrais vivre dans un monde dans lequel un enfant de n'importe quel pays peut aller au lit sans s'inquiéter d'être potentiellement tué par des bombes, de voir sa maison rasée par des bulldozers et des tanks au matin, ou que sa famille n'ait plus rien à manger le lendemain.
Nous sommes tous interconnectés. Peut-être que cette simple vérité païenne peut nous conduire à rejeter le meurtre de la liste des moyens par lesquels on peut résoudre les conflits inter-personnels. Que ces meurtres soient commis par des groupes d'opposition ou par l'état lui-même, ou par l'injustice et la rudesse d'un système économique. Nous faisons tous partie du cercle de la vie. Cette compréhension doit nous conduire à créer un monde dans lequel le tissu de la vie est chéri, estimé, tant à titre individuel que global, et où la violence est transformée par l'amour.
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Publié pour la première fois sur internet sur belief.net, Juillet 2005.
Copyright (c) 2005 par Starhawk. Tous droits réservés.
Ce copyright protège les droits de Starhawk en vue d'une potentielle publication future de son travail. Les groupes bénévoles, d'enseignement, ou d'activisme, peuvent faire circuler cet essai, ( le mailer, l'imprimer, le traduire, le poster ou le reproduire ) pour des utilisations non commerciales uniquement. S'il vous plaît, ne changez rien de ce texte sans permission. Et laissez cette notice d'accompagnement avec lui.