RavenStorm... as-tu été mon jumeau dans une vie antérieure à laquelle je ne crois pas ? Tu ne cites que 2 bd, et je les ai lues ensembles il n'y a pas un an...
Silence est magnifique de sensibilité tragique; quand à
Bran Ruz, c'est la réécriture de la légende de la Ville d'Ys, vue du côté païen, avec un St Guénolé montré comme un vulgaire fanatique religieux totalement fermé. Le scénario, les dialogues, les dessins aux enluminures inspirées par les travaux de George Bain, tout est parfait !
RavenStorm a écrit:on rayonnera à partir de la fin des années 70 grâce à nos musiciens de pop-folk
En effet mais beaucoup de ce qu'on appelle la musique celtique de nos jours est en fait de la musique irlandaise. Très peu de rapport avec le folklore Bigouden ou Morbihanais, il suffit d'entendre – si on la supporte – Nolwenn Leroy, accompagnée de cornemuse (instrument méditerranéen arrivé en Europe au Moyen-Age) ou de violon (Renaissance italienne) ; la harpe utilisée par Stivell est un modèle irlandais du 11ème siècle inconnu en Bretagne avant le 20ème siècle, comme d'ailleurs le triscèle si souvent usé et abusé. Bref, le reproche que l'on peut faire, c'est que dans cette course dont tu parles si justement à se recréer une culture à partir du mépris passé, on en est arrivé à un mélange parfois indigeste et uniformisé. Il y a encore 60 ans, un Nantais était sûrement plus proche culturellement d'un Angevin que d'un Brestois ; rappelons que l'on n'a jamais parlé Breton à Nantes ou Rennes, mais Gallo, en voie de disparition de par la poussée dans certains milieux urbains de la langue bretonne qui accomplit ce qu'elle reproche au Français d'avoir fait.
Mais ceci dépasse la cadre du sujet et je t'invite à en discuter en MP !
Morgwenn a écrit:la renaissance du mythe arthurien
Étrange histoire ! Un personnage peut-être historique qui n'a jamais mis les pieds en Bretagne, une légende galloise qui en émane, mêlée de mythologie déjà perdue à l'époque (voir les attributs solaires de Gawain!) et qui ne parle jamais d'Armorique, et puis une déferlante de littérature médiévale du 11ème au 15ème siècle, suivie depuis par des réécritures incessantes. Rappelons que pour Chréstien de Troyes, Brocéliande semble plutôt se trouver sur l'Ile de Bretagne, ou que le Graal pour Wolfram von Escenbach est une pierre ; mais les modes préromantiques vont faire glisser l'action vers la Forêt de Paimpont et les revendications politiques feront le reste. Pour moi, Brocéliande est comme la Forêt d'Arden chez Shakespeare : mouvante, changeante, hors de toute géographie et si certains auteurs la placent en Normandie ou en Bourgogne, cela me va très bien !
Morgwenn a écrit:J'ajoute juste rapidement que l'on comprend mieux ce que sont (ou ne sont pas) les divinités celtes dès lors qu'on a connaissance de ce qu'est le Lebor Gabala Erenn, ou Livre des conquêtes de l'Irlande.
Très juste, il faut lire, je l'avais cité dans un autre post, les œuvres de Jim Fitzpatrick :
The Book of Conquests et
The Silver Arm ; toutefois je me permets de me citer moi-même plus haut dans ce sujet :
Carnun a écrit:les textes irlandais ont été rédigés par des moines qui ont édulcoré les traditions païennes, supprimant les passages trop licencieux et ajoutant des références bibliques : l'un des premiers peuples d'Irlande viendrait d'une femme présente sur l'Arche de Noé... Les textes Gallois, eux, sont encore plus tardifs et s'il est vrai qu'ils provenaient d'une tradition bardique, un barde du 14è siècle n'avait plus rien à voir avec son confrère du 1er siècle.
Aussi est-il difficile d'accorder un vrai crédit mythologique et cosmogonique à ces œuvres. On a par exemple trace d'une divinité nommée Crom Cruach, à qui – selon les moines, malheureusement – on pouvait sacrifier des victimes humaines ; il pouvait avoir une forme reptilienne et comme selon a légende son culte fut aboli par Patrick, il peut être à l'origine de la tradition qui fait de lui l'homme qui a chassé les serpents de l’Île.
Ils s'appelaient les Tuatha Dé, le Peuple de Dieu, mais comme ce nom se vit réserver aux Juifs dans les traductions gaéliques de la Bible, on y a rajouté Danaan, génitif de la mystérieuse déesse Dana, ou Anu, peut-être une version pré-chrétienne de Ste Anne. Et puis après leur défaite face aux Milésiens, ils demeurent dans les tertres qui sont en fait, quand on sait voir, des palais mirifiques aux dômes de cristal. Ce sont aussi les leprachauns, les banshees révérés en Irlande jusqu'à nos jours. D'autres demeurent pour toujours à Tir na nOg, la Terre de la Jeunesse, la Terre des Morts Heureux, sur l'océan de l'Ouest, domaine des morts par excellence, Avalon, l’Île aux Pommes, étant plutôt cymri, aussi probablement de la même origine ; la proximité légendaire du Mont Saint Michel fait penser que le même mythe pouvait exister chez les populations des littoraux d'Europe de l'Ouest.
Même s'ils restent sous forme de légendes, on peut imaginer que dans l'Antiquité on leur rendait de véritables cultes, on voit en Gaule des sanctuaires qui pointent dans ce sens : un culte tribal et public qui complétait le culte personnel et domestique. Même chose chez les Germains ; même chose chez les Romains. Nous ne sommes pas si éloignés.