Je me permets donc de vous poster ce texte trouvé sur le blog de Lacailleach: http://lacailleach.wordpress.com/2013/06/21/pbp-m-morrigan/
"Morrigan est une déesse incroyablement riche et complexe : impossible de la résumer en quelques lignes. Elle est sans doute la première à être venue dans ma pratique, il y a dix ans. Je ne me souviens pas comment elle est arrivée, ni comment je l’ai reconnue, parce que je ne notais rien. Je ne trouvais pas ça important : j’étais trop occupée à remplir mon "livre des ombres" de tables de correspondances, de rituels tous faits et d’autres conneries en fin de compte inutiles.
Elle m’a énormément aidée à traverser une adolescence très douloureuse, et si elle ne m’avait pas épaulée, je ne sais pas si je serais encore là aujourd’hui. Je sais que cela peut sembler une exagération vu de l’extérieur, mais quand le monde s’effondre autour de vous, que vous faites face à la maladie qui dévore un de vos parents (et cette maladie n’a rien eu de fulgurant : j’ai vu ma mère s’acharner à rester en vie pour nous de l’âge de huit ans jusqu’à sa mort, quand j’en avais vingt-deux.) que rien n’est stable, qu’une partie de votre famille vous tient pour responsable de l’état de santé de votre mère et que le milieu scolaire n’a rien d’un refuge, au contraire, et sans compter le reste, garder la tête hors de l’eau est une gageure.
"While Ireland Holds These Graves" by Fionabus on deviantART
Quand j’en arrivais à mes limites, elle était là pour m’aider à tenir, à repousser ces limites, à continuer d’avancer et à tenir tête à tout le reste. Son aspect "guerrier" est loin d’être une ancienne métaphore : quand nous traversons une épreuve difficile, qu’elle soit physique ou mentale, elle est là pour nous encourager et nous inciter à tenir bon, à ne pas lâcher. A continuer à rester debout. Elle est celle qui nous hurle de ne pas nous coucher, de ne pas courber l’échine mais de se redresser et de continuer coûte que coûte. Peu importe qui ou quoi, je tends à penser que lorsqu’elle apparaît dans la vie/la pratique d’une personne dans ce genre de moment, c’est qu’elle sait que nous possédons les ressources suffisantes : elle nous aide à puiser en nous cette force plutôt que rester dans son coin à s’apitoyer sur son sort. Cet aspect là est cependant loin d’être facile, si elle peut parfois se montrer réconfortante, ce n’est pas le réconfort d’une Dana par exemple (pour faire des comparaisons avec une que je connais). Plutôt que de vous cajoler avec des paroles rassurantes, elle vous écoutera hurler votre rage, votre désespoir, votre haine et vos rancœurs sans vous juger. Sans vous dire de vous taire ou chercher à l’apaiser. Elle vous écoutera et vous incitera à le faire parce qu’elle sait que parfois, il est nécessaire de faire sortir le sac de noirceur, de l’épuiser en hurlant et en pleurant plutôt que de chercher à le refouler un peu plus profondément en vous. Ensuite, elle vous attrapera par le poignet pour vous remettre sur pieds et vous dira "allez, go !" avec un coup de pieds aux fesses : pas pour vous punir de votre faiblesse ou parce qu’elle ignore ce genre de moment, mais parce que ce n’est pas le moment pour de tels renoncements et elle vous apportera la bouffée d’énergie nécessaire pour faire le chemin qu’il vous reste à faire. Je crois qu’une des plus belles offrandes que l’on puisse faire à la Morrigan, c’est de lui offrir notre victoire. Se sortir d’une épreuve. Accepter que nous avons traversé certaines "guerres" et que même si nous sommes profondément marqué(e)s, nous sommes toujours là et que les ravages engendrés sur notre terre n’empêcheront pas d’autres types de récoltes de venir, même si la terre ne sera plus la même. Je pense que l’on n’efface pas ce que nous avons vécu, et que l’on confond parfois la guérison avec "l’effacement d’une épreuve".
La Souveraineté de Morrigan m’apparaît très étroitement corrélée à son aspect guerrier. Elle n’est pas une stratège, elle n’est pas non plus spécialement belliqueuse ou en lien avec les tactiques guerrières : pour moi, son aspect guerrier se déclenche quand la souveraineté est attaquée ou menacée. Ou quand quelqu’un refuse ses responsabilités, comme dans le cas de Cuchulain. On présente souvent Morrigan sous les traits d’une femme repoussée et jalouse qui se venge, alors que pour moi ça n’a rien à voir : elle a fait de Cuchulain un roi, (chez les Celtes, le roi est lié à la Terre et à la Souveraineté, je m’arrête là dans "l’historique" parce que je n’ai pas de fil conducteur et de vue d’ensemble pour unir les morceaux de ce que je sais.) et qu’il refuse d’accomplir son devoir : il n’agit pas en roi, il refuse les responsabilités de son rang.
Dans nos vies actuelles, j’ai l’impression qu’elle se présente souvent quand notre souveraineté est menacée, que ce soit par des gens ou par une situation. Elle vient à notre rencontre pour que l’on reprenne les rennes de nos vies au lieu de les abandonner aux autres, que ce soit par épuisement, par ignorance, en raisons des difficultés ou par lâcheté. Être soi-même est une chose difficile, même sans que rien de dramatique ne vienne sur notre chemin. Au contraire, c’est facile de céder aux sirènes de la Norme Sociale, par amour, pour avoir la paix, pour ne pas faire de vagues. Chez beaucoup de femmes (je parle des femmes parce que c’est ce que je connais le mieux, ce qui ne veut pas dire que ce soit plus facile pour les hommes, mais je préfère me cantonner ici à ce que j’ai pu éprouver personnellement) on nous enseigne à être calme, gentille, à rester dans le droit chemin, à ne pas faire de vagues, à ne pas être "provocante : "tu as vu comme elle est habillée ? Si elle se fait violer elle l’aura cherché." (note : je dis "se faire violer" parce que c’est l’expression que j’entends le plus souvent, or on ne se fait pas violer. On est violée. On se fait un café, une toile, ou ce que vous voulez, pas "un viol", comme si c’était un choix, bordel !). La Morrigan vient pour nous hurler de faire un putain de doigt d’honneur et d’envoyer chier ce que les gens veulent que vous fassiez : arrêter de faire des choses pour être bien vu(e)s dans votre communauté païenne (sarcasme, lol), pour que vos parents soient fiers de vous, pour que votre conjoint soit content, pour ne pas faire de vagues. Ça ne signifie pas faire n’importe quoi en se conduisant de manière égoïste, cela veut juste dire reconnaître son droit à exister en tant que personne et à faire vos choix sans toujours vouloir contenter tout le monde, au risque de passer à côté de votre vie. Il y a un juste milieu : trouvez-le. Trouvez ce qui vous importe vraiment, ce sur quoi vous ne ferez pas de concession parce que c’est votre cœur primordial. Une personne qui proclame que la spiritualité/religion est la chose la plus importante pour elle et qui ensuite dit qu’elle pratique en cachette parce que son ou sa conjoint(e) ne veut pas entendre parler de ça se ment à elle-même : soit elle n’est pas heureuse de devoir se planquer, soit la spiritualité n’est pas la chose la plus importante pour elle-même, c’est son couple qui passe avant (et/ou le désir de ne pas faire de vagues). En soi peu importe, mais alors ne racontez pas de conneries pour vous faire bien voir par un parti ou un autre.
Dans l’esprit de beaucoup de gens -hommes et femmes- une personne de sexe féminin n’est pas complètement accomplie si elle n’a pas d’enfant. Encore une façon dogmatique de dire aux femmes ce qu’elles sont censées être. (Et celle qui ne peuvent pas avoir d’enfant, elles font quoi ? Elles se suicident de désespoir de ne pouvoir jamais être "complètes" ? Elles sont condamnées au malheur ? Non, on me répondra qu’elles peuvent toujours adopter -que ceux qui ouvrent leurs gueules pour débiter ce genre de lieux communs se renseignent sur les modalités de l’adoption : si c’était aussi facile d’adopter un môme qu’un chaton ça se saurait. Ou alors on entend "non mais on peut s’épanouir créativement, la fertilité peut être métaphorique. C’est pas faux, mais ça cache un paradigme qui me fait tiquer : faut-il être créative; physiquement ou métaphoriquement, pour être une femme ? Et celles qui n’en veulent pas… n’en veulent pas. C’est tout et il n’y a rien à épiloguer. Personnellement, je ne pense pas que l’épanouissement soit dépendant de la production utérine.)
Ce qui m’amène à un autre point que je trouve important sur Morrigan. L’aspect "déesse mère". Peindre Morrigan comme une déesse mère et dire que Ana, Dana, Danu, Aine est un autre aspect de cette déesse, pour moi c’est une connerie politiquement correcte. J’ai l’impression que dès qu’une déesse est liée à la terre, il faut toujours qu’on la transforme en mère. Or pour moi, la Morrigan n’est pas une déesse mère et son aspect "terrestre" n’est pas directement celui de la terre pourvoyeuse, mais celui de l’esprit du pays. Je ne sais pas comment l’expliquer clairement, mais elle EST la terre, le pays, le pouvoir du lieu. Pas les récoltes. Dana est effectivement liée aux récoltes et à la fertilité, quand Morrigan est l’esprit de la terre sur laquelle s’épanouissent les récoltes et les champs."
Dernière édition par Båldhjärta le Mar 11 Fév 2014 - 19:00, édité 2 fois