Sur les sentiers du paganisme et de la sorcellerie

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    [traduction] Comment j'ai rencontré les Destinées - Summoning the Fates - Z. Budapest

    Iridesce
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    Message par Iridesce Mer 4 Fév 2015 - 23:28

    Comment j'ai rencontré les Destinées
    in Summoning the Fates - Z. Budapest
    Traduit et adapté de l'anglais par Iridesce


    Ma mère, Masika Szilágyi, savait tout sur la destinée.
    Je me souviens d'elle, debout devant son kemence ( un grand poële qui se trouvait dans la maison ) pendant que les hommes du musée, tout vêtus de blanc, emportaient une à une ses oeuvres d'art en les entourant de mille précautions. La statue de la Reine du Ciel, grande de six pieds, partait sur une table roulante, suivie de la Source Elle-Même, qui pesait facilement trois tonnes. Masika allait avoir une exposition spéciale – un temple païen, comme elle disait – au Mücsarnok, le Musée d'Art Moderne, à Budapest. C'était en 1977. Le vernissage devait avoir lieu pour Halloween.

    Les unes après les autres, les Déesses qu'elle avait sculptées dans l'argile disparaissaient du salon ; les lieux semblaient vides et tristes sans elles. Je restais là, très fière de ma mère. D'ordinaire, il fallait qu'un artiste soit mort depuis au moins cinquante ans avant qu'on lui fasse l'honneur d'être exposé au Mücsarnok. Elle m'attira près d'elle et souleva le tissu blanc posé sur une petite statue dans ses mains.

    « Regarde », murmura-t'elle. « C'est le Saint des Saints. S'ils l'emmènent, tu ne le reverras jamais. Là, » dit-elle. « Tu l'emmèneras chez toi. »

    Je ne l'avais jamais entendue utiliser une telle expression auparavant. Le Saint des Saints ? Elle était très terre-à-terre d'habitude, et aurait à tout autre moment raillé ce genre de terminologie comme quelque chose de bien trop sentimental. Mais ce moment-là était important.

    [traduction] Comment j'ai rencontré les Destinées - Summoning the Fates - Z. Budapest Fates

    « Maman », lui dis-je, en pensant que cette pièce plutôt lourde devrait voyager sur mes genoux durant tout le trajet jusqu'à San Fransisco, un voyage en avion de 19 heures, « n'est-ce pas le centre même de ton temple païen ? »
    Elle avait 60 ans lorsqu'elle présenta l'exposition au Mücsarnok. Une jeune sexagénaire. Mais un fort pressentiment m'envahit. Il fallait que je lui demande :

    « Maman, tu penses que tu en as fini avec cette vie ? As-tu planifié ta mort ? »
    « Je ne sais pas. C'est juste que je n'ai rien de plus à dire. »

    Ma mère avait été une artiste très jeune. Avant la guerre, avant ses 25 ans, elle fut commissionnée pour créer deux statues pour les plus grandes plazas de la ville. Elles sont toujours là. La guerre elle-même a donné d'autres directions à son oeuvre, lorsqu'elle commença à enseigner la céramique à des vétérans mutilés. Elle leur a appris comment peindre avec les dents quand ils avaient perdu leurs deux bras, et comment faire tourner un tour de potier quand ils n'avaient plus qu'une seule jambe. Elle a aussi appris à des femmes à survivre en fabriquant des articles de vannerie, des paniers et même des meubles. Ma mère était très talentueuse et bénie par l'humour et l'optimisme.
    J'étais très heureuse d'être venue la voir à son heure de gloire. Je savais à quel point elle appréciait que j'aie fait tout ce chemin pour la Californie. Elle m'a montrée à ses amis. Ici, à la maison, je n'étais plus du tout Z. Budapest, j'étais « la fille de Masika ».

    « Maman, quand tu seras morte, devrai-je venir à tes funérailles ? » Demandai-je subitement. J'avais absolument besoin de clarifier tout de suite si oui ou non elle pensait mourir bientôt. Budapest est si loin de la Californie.
    Je n'avais jamais entendu ma mère parler de sa mort, en grande partie parce qu'elle était si pleine de vie et engagée dans la vie. Mais comme je tenais les trois Destinées sur mes genoux, la mort semblait un sujet de conversation approprié.
    Elle sourit un peu et caressa mon visage, essuyant les larmes sur mes joues.
    « Je ne sais pas, kislányom » – ma petite fille - « mais moi je n'y serais certainement pas. »
    « Tu ne seras pas là ? A tes propres funérailles ? » J'ai commencé à rire, soulagée que nous retournions à nos habitudes, aux rires et aux plaisanteries.
    « Non, seul mon corps sera là. Les funérailles sont davantage faites pour les vivants que pour les morts. Je serai avec Grand-Mère. Et juste après l'avoir vue, je veux rendre visite à Rodin. »

    Elle faisait déjà des projets.

    « Et quand tu reviendras, je te reconnaîtrai ? » osai-je.
    « Peut-être. Peut-être pas. Je pourrais bien ne pas revenir très vite. C'est mieux de lâcher prise. »
    Le chagrin me submergea de nouveau. Je pleurai à gros sanglots comme un enfant qui vient d'être séparé de sa mère. Elle se leva et me reprit la statue, et la posa sur la table contre le mur blanc. Toute cette blancheur partout intensifiait mon sentiment de perte imminente, de la perdre.
    « Tu m'as trouvée durant cette vie ; ça peut se reproduire », dit-elle pour me consoler.

    Ce fut la dernière fois que je vis ma mère. Elle mourut trois ans plus tard en m'écrivant une lettre. Son stylo a laissé un trait en glissant quand elle l'a lâché. J'ai toujours cette lettre, bien sûr, dans mon propre Saint des Saints, une petite collection de reliques familiales, une mèche de cheveux de Grand-Mère, une petite pincée de terre hongroise que j'ai emportée avec moi en fuyant les Russes.
    Je n'ai pas été à ses funérailles. Pour moi, elle est toujours vivante. Pour l'enterrement, mon frère Imre a brûlé de l'encens et de la myrrhe et a engagé un groupe tzigane pour lui chanter de douces chansons pour l'endormir. Des centaines de personnes qui aimaient ses oeuvres d'art vinrent pour la voir. Elle était sur les genoux des Destinées. De retour dans le chaudron originel. Elle ne faisait plus qu'un avec la Source.
    Les souvenirs m'envahissent quand je repense au studio où ma mère sculptait, préparait le dîner pour ses étudiants et moi, peignait et racontait ses histoires. C'était un lieu plein de statues, des petites, des grandes, des grosses. La plupart de son imagerie était mythologique. Il y avait Boldogasszony, Déesse des fruits et des récoltes, haute de sept pieds. Et il y avait la Déesse en tant que Source, haute de six pieds, une création ronde et complexe pleine de roues dans des roues tournoyantes. Il fallait marcher dans toute la pièce pour en avoir le plein impact. Dans ses épaules gauche et sa droite se trouvaient les visages d'Adam et d'Eve, encore partie intégrante de la même mère, pas encore différenciés.

    [traduction] Comment j'ai rencontré les Destinées - Summoning the Fates - Z. Budapest Greatmother

    Plus tard, elle les sculpta séparément en terra-cotta, une argile couleur chair, les seules pièces de son exposition qui n'étaient pas blanches. Les sexes étaient alors différenciés, projetés hors de la Source. Adam et Eve avaient l'air très seuls. Ma mère avait aussi fait beaucoup de variantes différentes de Madones pour des autels personnels. Les paysans hongrois aimaient lui acheter des autels pour leurs maisons, mais ses Madones tenaient toujours une petite fille à la place de Jésus. Tout le monde s'en moquait.
    De tout le riche héritage qu'elle nous a laissé, la statue qu'elle m'a donné fut la seule et l'unique dans laquelle ma mère représenta les Parques, les trois Destinées. Elle avait la révérence la plus ultime pour elles. Elle les priait, leur portait des toasts, et versait toujours un peu de son vin sur le sol pour elles. Mais elle ne les a scultées qu'une seule fois. Cette pièce d'autel se trouve aujourd'hui dans ma chambre, c'est la première chose que je vois quand je me réveille et la dernière chose que je vois avant de m'endormir. C'est ma prière permanente.
    D'une façon ou d'une autre, la voix de ma mère est toujours présente dans cette statue. Quand j'ai de grandes interrogations, je peux toujours demander aux Parques. Et à chaque fois, que ce soit par ma propre voix intérieure ou par quelqu'un qui prononce des mots comme sortis de nulle part et qui ont un rapport direct avec mon questionnement, j'obtiens la réponse.
    Pendant un an et demi, j'ai cherché le thème de mon nouveau livre. Parlerait-il des vents du changement ? Des différentes révolutions dont j'avais été témoin ? Est-ce qu'il parlerait de ma vie : « Zsuzsanna la Hun ? » Serait-ce un autre livre sur les périodes de la vie ? Je me suis placée sous la petite statue des Destinées et j'ai demandé la réponse avec colère. Cette fois, j'ai entendu des voix me répondre.
    « Enquête sur nous. Nous sommes vivantes. »
    Quoi ? Il a fallu que je m'asseye. Le plus évident est toujours le plus difficile à entendre.
    « Appelle-nous. Nous sommes toujours là. »
    J'ai fermé les yeux – couper le sens de la vue m'aide à voir plus facilement ma vérité intérieure – et j'ai pris quelques inspirations profondes pour centrer mon âme. Il m'a semblé que soudainement l'air était frais et doux, comme si j'étais près d'un cours d'eau. En fait, je pouvais entendre le murmure de l'eau quelque part, tout près, et le murmure du vent dans des branches.
    « Qui êtes-vous aujourd'hui ? Comment vous appelle-t'on ? » demandai-je.
    « Destinée. Pour jamais et pour toujours, nous sommes la Destinée, » vint la réponse fantômatique.
    Dans l'oeil de mon esprit, les ombres se retiraient. Je vis le tronc gigantesque d'un arbre dont les racines étaient arquées et dessinaient les parois d'une caverne. Le bruit de l'eau venait d'un grand puits. D'une façon ou d'une autre, les trois figures de la statue avaient été transportées dans la caverne. Elles étaient assises, filant et tissant, et me regardaient, comme en attente de quelque chose.
    « Je ne peux pas écrire sur vous », protestai-je. « Où sont vos temples, où y'a-t'il des inscriptions à votre sujet ? »
    « Dans ton âme, la Déesse est de retour », dit l'une.
    « Le millénaire s'achève », dit la seconde.
    « Un nouveau cycle commence », dit la troisième.
    « Nous sommes là où nous avons toujours été, dans les vieilles histoires que vous racontez à vos enfants, dans le mouvement des étoiles, dans vos coeurs. »
    Je réfléchis à ce sujet.
    « Vous les mortels, vous parlez sans cesse de nous, mais vous n'utilisez pas les bons noms », dit l'une. « Vous voulez toujours savoir ce qui va se produire, alors vous parlez à des voyants, des canalistes, des médiums, des sorcières. Vous lisez les cartes ; vous vérifiez les colonnes astrologiques des journaux. Regardez autour de vous ; écoutez les expressions que vous utilisez. Vous nous parlez sans cesse ! »
    « As-tu acheté un billet de loterie cette semaine ? » demanda l'autre. « A chaque fois que vous pariez, vous essayez d'attirer notre attention, vous nous mettez au défi de vous toucher, et de vous bénir. »
    « Nous ne sommes jamais parties », dit la troisième. « Nous sommes plus jeunes que quiconque, et plus vieilles que tout. Nous sommes vos contemporaines. Ecoute-nous, et nous te dirons quoi écrire. Nous sommes fatiguées d'être ignorées ! »
    « Oui M'dame », dis-je. A cet instant le téléphone sonna, et la vision disparut. Mais quand les Destinées s'expriment si clairement, on ne peut pas répondre non.
    Je suis donc là, et je fais passer la tradition des Destinées à une nouvelle génération. Je rassemble leurs « affaires » perdues : leurs propriétés et caractéristiques qui ont été volées ou assimilées par d'autres Dieux ; leurs noms sacrés ; leurs couleurs et leurs coutumes ; leurs mythologies. La sagesse des Destinées a été dispersée à travers le globe, cachée dans le langage et dans la broderie, dans les danses folkloriques et les dictons, dans les rites sacrés et les superstitions. Mais par-dessus tout, leurs défis sont cachés dans nos processus de vieillissement. Peu importe notre âge, nous vivons selon leurs lois naturelles. Connaître les Destinées revient à se sentir plus confortablement installé dans le flot de la vie. Continuer d'étudier les Destinées, c'est accumuler la sagesse pour la paix de notre esprit. Les Destinées sont une médecine pour l'âme.
    Puissent-elles ne plus jamais être oubliées.

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