par siannan Mar 31 Oct 2023 - 23:08en réponse aux questionnements de @Kuru au sujets des Déesses et de leurs noms. 
Le mot "Déesse" est souvent source de confusion car il est utilisé par différents auteurs et autrices pour nommer des concepts distincts. Il existe effectivement diverses approches du divin dans les sphères païenne et sorcière, qui parfois utilisent les mêmes mots sans leur donner le même sens.
A travers cet article je vous propose un tour d’horizon pour démêler cette situation complexe et mieux comprendre ce que vous entendez ou lisez.
En très résumé et simplifié, Déesse peut désigner plusieurs concepts1 :
1. une "énergie universelle" ou "essence divine du monde", divinité / énergie immanente non genrée. Dans cette approche : tout ce qui existe et forme le monde est (en) La Déesse.
2. plus spécifiquement la part féminine de cette énergie/divinité universelle. Le Dieu étant la part masculine complémentaire
3. un type d'énergie féminine, une facette d'un grand tout (par exemple Aphrodite en tant que Déesse de l'amour, un des aspects de La Déesse...).
4. une divinité féminine parmi d'autres, dans une approche polythéiste. Chacune a sa propre identité (par exemple Athéna, Freya, Isis…) bien distincte des autres Déesses.
En détail, pour mieux appréhender les différents concepts, leurs nuances et subtilités
1. la Déesse « universelle ».
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette conception de la Déesse est non genrée, ou incluant tous les genres. Logique vu qu’elle inclut tout ce qui existe. Certaines personnes l’appellent Dieu. Mais le terme Dieu est souvent associé à des concepts judéo-chrétiens de Dieu tout-puissant omniscient omnipotent et extérieur au monde. Starhawk lui préfère le mot Déesse, auquel elle associe l’immanence, qui est (dans) le monde.
Pour Molly Remer, prêtresse de la Déesse, la Déesse est une présence, une énergie, que l’on peut ressentir directement. En nous et autour de nous, Elle constitue tout ce qui forme le monde : les différentes parties interconnectées, et la force qui unit le monde. 2
Starhawk précise, dans son livre Spiral Dance :
« Elle [la déesse] est là. Elle est à l’intérieur de chacun.e de nous. Elle est le cercle complet : terre, air, feu, eau et essence - corps, esprit, âme, émotions, changement.
La Déesse est avant tout terre, obscurité, la mère nourricière qui engendre toute vie. Elle est le pouvoir de la fertilité et de la génération ; L’utérus et aussi la tombe accueillante, le pouvoir de la mort. Tout provient d’Elle, tout lui revient. En tant que terre, elle est aussi la vie végétale, les arbres, les herbes et les graines qui maintiennent la vie. Elle est le corps et le corps est sacré. Utérus, poitrine, ventre, bouche, vagin, pénis, os et sang. Nul endroit du corps n’est taché du concept de pêché. Naissance, mort, décomposition sont des phases du cycle aussi sacrée l’une que l’autre. Lorsque nous mangeons, dormons, faisons l’amour, ou éliminons nos déchets corporels, nous manifestons la Déesse. »
2. La Déesse et le Dieu
Certaines approches distinguent un polarité féminine, et une polarité masculine du concept précédemment présenté. On retrouve cette approche dans de nombreux rituels wiccans.
La Déesse est donc associée au féminin, et à une partie seulement des qualités/éléments/énergies de l’univers, les autres étant associés au Dieu.
La Déesse, de même que Le Dieu, dans cette perspective, peut être perçue comme un être à part entière, comme une énergie ou encore comme un archétype.
La Déesse et Le Dieu sont souvent associés respectivement à la lune et au soleil. Parfois ils sont nommés Terre Mère et Dieu Ciel. A noter que tout les auteurs ne décrivent pas La Déesse et Le Dieu de manière identiques.
Le nom donné à la Déesse peut aider à mieux appréhender ses caractéristiques. Et l’on se rapproche du concept suivant :
3. Toutes les Déesses sont La Déesse
Selon cette vision, les différentes Déesses de la mythologie sont des facettes de La Déesse. Différents noms peuvent lui être donnés, selon les attributs/énergies sur lesquels les pratiquant.e.s souhaitent se focaliser.
« Maintenant écoutez les paroles de la Grande Mère
Qui fut aussi appelée parmi les hommes Artémis,
Astarte, Athéna, Dione,
Mélusine, Aphrodite, Cerridwen, Dana,
Arianrhod, Isis, Bride
Et par bien d'autres noms »
La charge de la Déesse, Doreen Valiente - Traducteur inconnu
« La charge de la Déesse, au début de ce chapitre, reflète la compréhension de l’Art de la Déesse. Elle commence avec une longue liste de noms de la Déesse, constituée à partir de plusieurs cultures. Celles-ci ne sont pas perçues comme des êtres distincts mais plutôt comme les différents aspects d’un même être formé de tous les êtres. Les noms utilisés peuvent changer en fonction des saisons ou des préférences de l’invocateur. Par exemple, la Déesse pourrait être nommée Coré au printemps, d’après l’aspect de la jeune fille de la Déesse grecque. Une sorcière à l’héritage juif pourrait invoquez l’ancienne Déesse des Hébreux, Ashimah ou Asherah. Une sorcière afro-américaine pourrait préférer Yemaya, la Déesse ouest-africaine de la mer et de l’amour. »
Starhawk dans Spiral Dance (1979[url=#sdfootnote3sym]3[/url])
Raymond Buckland, auteur de Le guide complet de la sorcellerie, a une compréhension similaire et considère les noms comme des étiquettes données par les pratiquants à la « Divinité Suprême » non genrée (concept 1). ceux-ci varient selon les culture et permettent de mieux la comprendre. Il mentionne que certains groupes, notamment de tradition gardnerienne, ont des noms publics des divinités qu’ils prient, et des noms secrets connus des seuls initiés.
Ce concept de Déesse aux multiples facettes est en réalité beaucoup plus ancien. Au IIe siècle de notre ère, Apulée décrivait déjà un telle compréhension du divin dans son ouvrage Les métamorphoses, également connu sous le titre L'Âne d'or. L’apparition féminine dit : « Je suis la Nature, mère de toutes choses, maîtresse des éléments, principe originel des siècles, divinité suprême, reine des Mânes, la première entre les habitants du ciel, type universel des dieux et des déesses. […] Je suis Vénus Paphienne pour les insulaires de Chypre, Diane Dictynne pour les Crétois aux flèches inévitables. Dans les trois langues de Sicile, j'ai nom Proserpine Stygienne, Cérès Antique à Éleusis. Les uns m'invoquent sous celui de Junon, les autres sous celui de Bellone. Je suis Hécate ici, là je suis Rhamnusie. Mais les peuples d'Éthiopie, de l'Ariane et de l'antique et docte Égypte, contrées que le soleil favorise de ses rayons naissants, seuls me rendent mon culte propre, et me donnent mon vrai nom de déesse Isis. »4
La triple Déesse
L’émergence des concepts de Déesse me semble à rapprocher de recherches et théories sur les cultes de divinités féminines préhistoriques. Des ouvrages comme La Déesse blanche de Robert Graves en 1948, Quand Dieu était femme de Merlin Stone en 1976, les recherches archéologiques de Marija Gimbutas à partir des années 1950, et son ouvrage Le Langage de la déesse en 1989, ont introduit une vision féminine du divin au sein de la société occidentale imprégnée de la vision du divin judéo-chrétienne et très masculine, et notamment introduit le concept de Triple Déesse. La communauté scientifique internationale ne valide pas aujourd’hui cette théorie d’un culte ancien d’une triple Déesse jeune fille – mère – vieille. Ce concept a néanmoins inspiré de nombreuses personnes qui y vouent un culte, quelle que soit son ancienneté, en particulier au sein de la Wicca.
Chaque archétype/facette de la Déesse - jeune fille, mère et vieille – peut être associé à différentes divinités comme Diane, Séléné, Gaïa, Hécate, Cerridwen...
4. les multiples Déesses
Les polythéistes perçoivent généralement les Déesses comme des êtres divins de nature féminine, distincts et indépendants les uns des autres. Chaque divinité porte un nom, et elles sont souvent décrites à travers des mythes. Ces divinités ont des liens de parentés avec d'autres Déesses et Dieux, et des cultes spécifiques.
Si seulement c’était si simple…
En réalité beaucoup de personnes n’ont pas une vision unique, bien scindée, et n’utilisent pas un seul de ces concepts… La nature des dieux est pour beaucoup d’entre nous complexe et probablement difficile à appréhender pour l’esprit humain. Elle est souvent perçue comme multiple et mouvante.
Pour Scott Cuningham5, auteur wiccan :
La Déesse est la mère universelle, source de fertilité, complémentaire du Dieu (concept dualiste – 2).
Elle revêt souvent trois aspects différents : la jeune fille, la mère et la vieille, symbolisées par la Lune croissante, la pleine Lune et la Lune décroissante (concept - 3 : facettes de La Déesse - 2)
Pour Starhawk, de la tradition sorcière Reclaiming6 :
« Déesse » est utilisé comme raccourci pour « le grand cycle de naissance, croissance, mort et renaissance » ou « le grand mystère ». La Déesse est le corps vivant d'un cosmos vivant, la conscience qui infuse la matière et l'énergie qui produit le changement. Elle est la vie éternelle tentant de se maintenir, de se reproduire, de se diversifier, d'évoluer, et d'engendrer plus de vie, mais aussi la mort. Elle incarne chacun des pôles de la dualité, vit et mort, féminin et masculin, joie et souffrance, créatrice et destructrice, compassion et colère… (concept 1)
Elle est évoquée comme symbole psychologique et aussi comme une réalité manifeste. Elle existe et nous La créons.
Satrhawk décrit également des Déesses, des manières spécifiques d'imaginer et d'expérimenter cette réalité aux aspects innombrables, différentes approches pour comprendre l’univers. Les Déesses sont comme des chemins différents vers le centre, la Déesse. Chacune est réelle, dans le sens qu'elles ont des forces puissantes et des chemins distincts. Certains de ces aspects peuvent aussi être des images masculines, des Dieux. (concept 3)
La Déesse peut aussi être ressentir comme l'expression de la terre et du lieu, de tous les êtres et éléments qui les composent.
Même parmi les polythéistes, les avis divergent au sujet des divinités proches. Par exemple entre les divinités helléniques et latines, qui ont des mythes similaires : Vénus et Aphrodite sont-elles la même déesse ou deux déesses distinctes ? La Minerve gallo-romaine est elle vraiment la Déesse romaine du même nom ? Qu’en est-il de Danu et Dana ? L’Artémis d’Ephèse et l’Artémis d’Athènes qui était représentée très différemment ?
Et que faire avec tout ça, qui a raison ?
Je paraphraserai Marian Green dans son livre A Witch Alone (1991) traduit Le grimoire de l'apprentie sorcière, qui rappelle que personne n’a l’obligation d’accepter une vision particulière de la Déesse et du Dieu, ou de la manière de les honorer, et que les mots sont globalement inadaptés pour retranscrire des expériences profondes. Suivez ce qui fait le plus sens pour vous !
Personnellement ma vision oscille, évolue, et inclut plusieurs de ces concepts.
Pour approfondir ces questions je vous suggère la lecture de l’article Les Dieux sont comme l’eau de John Beckett, publié dans Lune Bleue n°28 (ou dans son livre La Voie du Paganisme maintenant édité en français).
Conclusion (enfin, et bravo à vous d’avoir suivi jusqu’ici !)
Pour la compréhension du sens dans lequel est utilisé le mot Déesse, il faudra vous appuyer sur le contexte, la tradition, l’approche de la personne qui l’utilise.
Vous êtes libre d’utiliser vous-mêmes le concept qui vous semble le plus adapté à votre compréhension et expérience du divin, et vous pouvez même en associer plusieurs !
1.J’ai numéroté les concepts pour faciliter la lecture et la compréhension, vous retrouverez les mêmes numéros dans la suite de l’article. Ces numéros n’ont aucune prétention de hiérarchisation ou de classement chronologique.
p { line-height: 115%; margin-bottom: 0.25cm; background: transparent }a:link { color: #000080; text-decoration: underline }
2.Who is She? The Existence of an Ontological Goddess
3. Dans cet article j’ai choisi d’indiquer les dates des publications originales en anglais, et non des traductions françaises, quelques années à quelques dizaines d’années plus tardives, afin de replacer les ouvrages dans le contexte dans lequel ils ont été écrits, et l’évolution de pensée au niveau international.
4. Livre X, V . Traduction par Victor Betolaud
5. La magie blanche et art de vivre (Wicca: A Guide for the Solitary Practitioner, 1988)
6. références : Spiral Dance (maintenant édité en français), Rêver l'obscur, femmes, magie et politique (1982), et The Pagan Book of Living and Dying (1998)
Le mot "Déesse" est souvent source de confusion car il est utilisé par différents auteurs et autrices pour nommer des concepts distincts. Il existe effectivement diverses approches du divin dans les sphères païenne et sorcière, qui parfois utilisent les mêmes mots sans leur donner le même sens.
A travers cet article je vous propose un tour d’horizon pour démêler cette situation complexe et mieux comprendre ce que vous entendez ou lisez.
En très résumé et simplifié, Déesse peut désigner plusieurs concepts1 :
1. une "énergie universelle" ou "essence divine du monde", divinité / énergie immanente non genrée. Dans cette approche : tout ce qui existe et forme le monde est (en) La Déesse.
2. plus spécifiquement la part féminine de cette énergie/divinité universelle. Le Dieu étant la part masculine complémentaire
3. un type d'énergie féminine, une facette d'un grand tout (par exemple Aphrodite en tant que Déesse de l'amour, un des aspects de La Déesse...).
4. une divinité féminine parmi d'autres, dans une approche polythéiste. Chacune a sa propre identité (par exemple Athéna, Freya, Isis…) bien distincte des autres Déesses.
En détail, pour mieux appréhender les différents concepts, leurs nuances et subtilités
1. la Déesse « universelle ».
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette conception de la Déesse est non genrée, ou incluant tous les genres. Logique vu qu’elle inclut tout ce qui existe. Certaines personnes l’appellent Dieu. Mais le terme Dieu est souvent associé à des concepts judéo-chrétiens de Dieu tout-puissant omniscient omnipotent et extérieur au monde. Starhawk lui préfère le mot Déesse, auquel elle associe l’immanence, qui est (dans) le monde.
Pour Molly Remer, prêtresse de la Déesse, la Déesse est une présence, une énergie, que l’on peut ressentir directement. En nous et autour de nous, Elle constitue tout ce qui forme le monde : les différentes parties interconnectées, et la force qui unit le monde. 2
Starhawk précise, dans son livre Spiral Dance :
« Elle [la déesse] est là. Elle est à l’intérieur de chacun.e de nous. Elle est le cercle complet : terre, air, feu, eau et essence - corps, esprit, âme, émotions, changement.
La Déesse est avant tout terre, obscurité, la mère nourricière qui engendre toute vie. Elle est le pouvoir de la fertilité et de la génération ; L’utérus et aussi la tombe accueillante, le pouvoir de la mort. Tout provient d’Elle, tout lui revient. En tant que terre, elle est aussi la vie végétale, les arbres, les herbes et les graines qui maintiennent la vie. Elle est le corps et le corps est sacré. Utérus, poitrine, ventre, bouche, vagin, pénis, os et sang. Nul endroit du corps n’est taché du concept de pêché. Naissance, mort, décomposition sont des phases du cycle aussi sacrée l’une que l’autre. Lorsque nous mangeons, dormons, faisons l’amour, ou éliminons nos déchets corporels, nous manifestons la Déesse. »
2. La Déesse et le Dieu
Certaines approches distinguent un polarité féminine, et une polarité masculine du concept précédemment présenté. On retrouve cette approche dans de nombreux rituels wiccans.
La Déesse est donc associée au féminin, et à une partie seulement des qualités/éléments/énergies de l’univers, les autres étant associés au Dieu.
La Déesse, de même que Le Dieu, dans cette perspective, peut être perçue comme un être à part entière, comme une énergie ou encore comme un archétype.
La Déesse et Le Dieu sont souvent associés respectivement à la lune et au soleil. Parfois ils sont nommés Terre Mère et Dieu Ciel. A noter que tout les auteurs ne décrivent pas La Déesse et Le Dieu de manière identiques.
Le nom donné à la Déesse peut aider à mieux appréhender ses caractéristiques. Et l’on se rapproche du concept suivant :
3. Toutes les Déesses sont La Déesse
Selon cette vision, les différentes Déesses de la mythologie sont des facettes de La Déesse. Différents noms peuvent lui être donnés, selon les attributs/énergies sur lesquels les pratiquant.e.s souhaitent se focaliser.
« Maintenant écoutez les paroles de la Grande Mère
Qui fut aussi appelée parmi les hommes Artémis,
Astarte, Athéna, Dione,
Mélusine, Aphrodite, Cerridwen, Dana,
Arianrhod, Isis, Bride
Et par bien d'autres noms »
La charge de la Déesse, Doreen Valiente - Traducteur inconnu
« La charge de la Déesse, au début de ce chapitre, reflète la compréhension de l’Art de la Déesse. Elle commence avec une longue liste de noms de la Déesse, constituée à partir de plusieurs cultures. Celles-ci ne sont pas perçues comme des êtres distincts mais plutôt comme les différents aspects d’un même être formé de tous les êtres. Les noms utilisés peuvent changer en fonction des saisons ou des préférences de l’invocateur. Par exemple, la Déesse pourrait être nommée Coré au printemps, d’après l’aspect de la jeune fille de la Déesse grecque. Une sorcière à l’héritage juif pourrait invoquez l’ancienne Déesse des Hébreux, Ashimah ou Asherah. Une sorcière afro-américaine pourrait préférer Yemaya, la Déesse ouest-africaine de la mer et de l’amour. »
Starhawk dans Spiral Dance (1979[url=#sdfootnote3sym]3[/url])
Raymond Buckland, auteur de Le guide complet de la sorcellerie, a une compréhension similaire et considère les noms comme des étiquettes données par les pratiquants à la « Divinité Suprême » non genrée (concept 1). ceux-ci varient selon les culture et permettent de mieux la comprendre. Il mentionne que certains groupes, notamment de tradition gardnerienne, ont des noms publics des divinités qu’ils prient, et des noms secrets connus des seuls initiés.
Ce concept de Déesse aux multiples facettes est en réalité beaucoup plus ancien. Au IIe siècle de notre ère, Apulée décrivait déjà un telle compréhension du divin dans son ouvrage Les métamorphoses, également connu sous le titre L'Âne d'or. L’apparition féminine dit : « Je suis la Nature, mère de toutes choses, maîtresse des éléments, principe originel des siècles, divinité suprême, reine des Mânes, la première entre les habitants du ciel, type universel des dieux et des déesses. […] Je suis Vénus Paphienne pour les insulaires de Chypre, Diane Dictynne pour les Crétois aux flèches inévitables. Dans les trois langues de Sicile, j'ai nom Proserpine Stygienne, Cérès Antique à Éleusis. Les uns m'invoquent sous celui de Junon, les autres sous celui de Bellone. Je suis Hécate ici, là je suis Rhamnusie. Mais les peuples d'Éthiopie, de l'Ariane et de l'antique et docte Égypte, contrées que le soleil favorise de ses rayons naissants, seuls me rendent mon culte propre, et me donnent mon vrai nom de déesse Isis. »4
La triple Déesse
L’émergence des concepts de Déesse me semble à rapprocher de recherches et théories sur les cultes de divinités féminines préhistoriques. Des ouvrages comme La Déesse blanche de Robert Graves en 1948, Quand Dieu était femme de Merlin Stone en 1976, les recherches archéologiques de Marija Gimbutas à partir des années 1950, et son ouvrage Le Langage de la déesse en 1989, ont introduit une vision féminine du divin au sein de la société occidentale imprégnée de la vision du divin judéo-chrétienne et très masculine, et notamment introduit le concept de Triple Déesse. La communauté scientifique internationale ne valide pas aujourd’hui cette théorie d’un culte ancien d’une triple Déesse jeune fille – mère – vieille. Ce concept a néanmoins inspiré de nombreuses personnes qui y vouent un culte, quelle que soit son ancienneté, en particulier au sein de la Wicca.
Chaque archétype/facette de la Déesse - jeune fille, mère et vieille – peut être associé à différentes divinités comme Diane, Séléné, Gaïa, Hécate, Cerridwen...
4. les multiples Déesses
Les polythéistes perçoivent généralement les Déesses comme des êtres divins de nature féminine, distincts et indépendants les uns des autres. Chaque divinité porte un nom, et elles sont souvent décrites à travers des mythes. Ces divinités ont des liens de parentés avec d'autres Déesses et Dieux, et des cultes spécifiques.
Si seulement c’était si simple…
En réalité beaucoup de personnes n’ont pas une vision unique, bien scindée, et n’utilisent pas un seul de ces concepts… La nature des dieux est pour beaucoup d’entre nous complexe et probablement difficile à appréhender pour l’esprit humain. Elle est souvent perçue comme multiple et mouvante.
Pour Scott Cuningham5, auteur wiccan :
La Déesse est la mère universelle, source de fertilité, complémentaire du Dieu (concept dualiste – 2).
Elle revêt souvent trois aspects différents : la jeune fille, la mère et la vieille, symbolisées par la Lune croissante, la pleine Lune et la Lune décroissante (concept - 3 : facettes de La Déesse - 2)
Pour Starhawk, de la tradition sorcière Reclaiming6 :
« Déesse » est utilisé comme raccourci pour « le grand cycle de naissance, croissance, mort et renaissance » ou « le grand mystère ». La Déesse est le corps vivant d'un cosmos vivant, la conscience qui infuse la matière et l'énergie qui produit le changement. Elle est la vie éternelle tentant de se maintenir, de se reproduire, de se diversifier, d'évoluer, et d'engendrer plus de vie, mais aussi la mort. Elle incarne chacun des pôles de la dualité, vit et mort, féminin et masculin, joie et souffrance, créatrice et destructrice, compassion et colère… (concept 1)
Elle est évoquée comme symbole psychologique et aussi comme une réalité manifeste. Elle existe et nous La créons.
Satrhawk décrit également des Déesses, des manières spécifiques d'imaginer et d'expérimenter cette réalité aux aspects innombrables, différentes approches pour comprendre l’univers. Les Déesses sont comme des chemins différents vers le centre, la Déesse. Chacune est réelle, dans le sens qu'elles ont des forces puissantes et des chemins distincts. Certains de ces aspects peuvent aussi être des images masculines, des Dieux. (concept 3)
La Déesse peut aussi être ressentir comme l'expression de la terre et du lieu, de tous les êtres et éléments qui les composent.
Même parmi les polythéistes, les avis divergent au sujet des divinités proches. Par exemple entre les divinités helléniques et latines, qui ont des mythes similaires : Vénus et Aphrodite sont-elles la même déesse ou deux déesses distinctes ? La Minerve gallo-romaine est elle vraiment la Déesse romaine du même nom ? Qu’en est-il de Danu et Dana ? L’Artémis d’Ephèse et l’Artémis d’Athènes qui était représentée très différemment ?
Et que faire avec tout ça, qui a raison ?
Je paraphraserai Marian Green dans son livre A Witch Alone (1991) traduit Le grimoire de l'apprentie sorcière, qui rappelle que personne n’a l’obligation d’accepter une vision particulière de la Déesse et du Dieu, ou de la manière de les honorer, et que les mots sont globalement inadaptés pour retranscrire des expériences profondes. Suivez ce qui fait le plus sens pour vous !
Personnellement ma vision oscille, évolue, et inclut plusieurs de ces concepts.
Pour approfondir ces questions je vous suggère la lecture de l’article Les Dieux sont comme l’eau de John Beckett, publié dans Lune Bleue n°28 (ou dans son livre La Voie du Paganisme maintenant édité en français).
Conclusion (enfin, et bravo à vous d’avoir suivi jusqu’ici !)
Pour la compréhension du sens dans lequel est utilisé le mot Déesse, il faudra vous appuyer sur le contexte, la tradition, l’approche de la personne qui l’utilise.
Vous êtes libre d’utiliser vous-mêmes le concept qui vous semble le plus adapté à votre compréhension et expérience du divin, et vous pouvez même en associer plusieurs !
1.J’ai numéroté les concepts pour faciliter la lecture et la compréhension, vous retrouverez les mêmes numéros dans la suite de l’article. Ces numéros n’ont aucune prétention de hiérarchisation ou de classement chronologique.
p { line-height: 115%; margin-bottom: 0.25cm; background: transparent }a:link { color: #000080; text-decoration: underline }
2.Who is She? The Existence of an Ontological Goddess
3. Dans cet article j’ai choisi d’indiquer les dates des publications originales en anglais, et non des traductions françaises, quelques années à quelques dizaines d’années plus tardives, afin de replacer les ouvrages dans le contexte dans lequel ils ont été écrits, et l’évolution de pensée au niveau international.
4. Livre X, V . Traduction par Victor Betolaud
5. La magie blanche et art de vivre (Wicca: A Guide for the Solitary Practitioner, 1988)
6. références : Spiral Dance (maintenant édité en français), Rêver l'obscur, femmes, magie et politique (1982), et The Pagan Book of Living and Dying (1998)
